Le gouvernement de l’Etat de Lagos a traduit en justice jeudi 40 personnes, dont 12 mineurs, "accusées" d’homosexualité, considérée comme un délit passible de 14 ans de prison au Nigeria.
Vingt-huit adultes, tous de sexe masculin, étaient présents devant la cour de Justice de Lagos, après une garde à vue de quatre jours. Ils sont accusés "d’avoir commis des actes homosexuels et d’avoir encouragé des hommes à se rencontrer pour perpétrer des faits contre-nature".
Un communiqué publié par le ministère local de la Justice souligne que ces faits sont punissables selon une loi promulguée par l’Etat de Lagos en 2015.
De leur côté, les mineurs ont comparu à huit-clos devant une autre Cour, sans qu’aucun détail ne soit dévoilé à la presse. Tous les accusés ont plaidé non coupable, et sont désormais libérables sous caution (500.000 nairas, soit 1.150 euros) en attendant leur procès.
"Le ministère (local de la Justice de Lagos) ne s’est pas opposé à la demande de libération sous caution, mais demande expressément à la Cour une obligation de réhabilitation" des accusés, à travers des associations soutenues par les autorités, selon les termes de son communiqué.
Samedi dernier, 42 personnes ont été arrêtées dans un hôtel de Owode-Onirin, un quartier pauvre et mal famé de l’extrême-nord de Lagos, après un raid de la police. "Selon des habitants du quartier, certains d’entre eux étaient connus pour leur homosexualité", a expliqué Olarinde Famous-Cole, porte-parole de la police pour l’Etat de Lagos pour justifier cette arrestation massive.
Selon une source proche du dossier contactée par l’AFP, des dizaines de jeunes s’étaient rassemblés pour une fête organisée dans le hall d’un hôtel, où une association prodiguait également des conseils sur les risques du VIH.
Le frère – hétérosexuel – de l’un des participants a déclenché une violente bagarre, ce qui a attiré l’attention de la police. Les officiers ont arrêté environ 70 personnes, mais un grand nombre d’entre eux ont pu s’échapper en payant des pots-de-vin.
L’activiste Bisi Alimi (photo), défenseur nigérian des droits LGBT a lancé cette semaine une pétition sur Twitter pour réclamer leur libération. Il explique que ces soirées clandestines sont "très fréquentes" au Nigeria. "Ce sont les seuls endroits où il est possible pour les personnes gay de se rencontrer, et d’être qui ils sont vraiment pendant quelques heures", confie-t-il à l’AFP.
L’ex-président nigérian Goodluck Jonathan a fait voter en 2014 une loi interdisant le mariage homosexuel, mais aussi la "cohabitation entre même sexe", et condamne de 10 à 14 ans de prison toute démonstration publique de "relations amoureuses entre personnes de même sexe".
En avril dernier, 53 hommes ont été arrêtés à Zaria dans le nord musulman du Nigeria, accusés d’avoir participé à une cérémonie pour masquer un mariage homosexuel. Plaidant non coupable et libérés sous caution, ils n’ont toujours pas été traduits en justice.
Dans un pays où le système judiciaire est particulièrement corrompu, les associations de défense des droits homosexuels dénoncent une législation qui encourage la corruption.
Dans un rapport récent pour Human Rights Watch (HRW), Wendy Isaack, spécialiste des questions de genre, dénonce la loi de 2014, estimant qu’elle "a donné l’opportunité à la police et à la population en général d’extorquer de l’argent aux personnes qu’ils pensent être LGBT".
- SOURCE E LLICO