Les opposants au mariage homo se disent souvent les gardiens d’une tradition religieuse millénaire. Mais la chrétienté – en certaines périodes de l’histoire – a elle-même accepté le mariage, comme le rappelle un historien à l’université de Yale.
Cautionner le mariage gay, estiment ses opposants, c’est aller contre une tradition religieuse vieille de plus de 2000 ans. «Mieux vaut ne pas chambouler les fondements et les valeurs de notre société»: c’est bien souvent l’argument tout prêt que servent les opposants au mariage homosexuel, en référence à la tradition catholique.
Mais c’est aller un peu vite en besogne. Un rédacteur du site caritatif Care2.com rappelle que la religion chrétienne a non seulement toléré, mais aussi célébré, des unions entre personnes de même sexe: «Dans le monastère Sainte-Catherine situé sur le Mont Sinaï, se trouve une icône (ci-dessus) représentant deux saints chrétiens, habillés en vêtements de cérémonie, en train de se marier.» Leur «pronubus», autrement dit leur témoin de mariage, n’est rien de moins que… Jésus-Christ! Le couple de mariés est formé par Saint-Serge et Saint-Bacchus, martyrs chrétiens du 4ème siècle.
Pacs médiévaux
Ainsi, le plus ancien texte en grec à leur sujet les décrit comme «erastai» (amants). Au 6ème siècle, le théologien chrétien orthodoxe Sévère d’Antioche expliquait déjà qu’«il ne faut pas séparer dans le discours ceux (Serge et Bacchus) qui ont été joints dans la vie». Plus tard, dans le récit de leur vie écrit au 10ème siècle, Saint-Serge est décrit de manière beaucoup plus explicite comme le «gentil compagnon et amant» de Saint-Bacchus.
John Richard Boswell, historien à l’université de Yale aux Etats-Unis, a écrit sur ce volet oublié de l’histoire chrétienne il y a environ vingt ans. Dans sa thèse Le mariage de même sexe dans l’Europe pré-moderne, dès 1994, il décrivait notamment les différentes organisations dédiées au mariage homosexuel, l’existence d’un ordre fait pour unir les hommes, ou encore de quelle manière les prêtres bénissaient ces unions. La même année, une icône moderne (ci-contre) de Serge et Bacchus est même présentée à la gay pride de Chicago!
Affrèrements
Au 14ème siècle, reprend l’article de Care2.com, il existait en Serbie un «office des unions de même sexe» qui mariait aussi bien deux hommes que deux femmes. On demandait au couple de poser la main droite sur l’Evangile pendant que chacun tenait une croix dans la main gauche. Après avoir embrassé l’Evangile, le couple échangeait un baiser, puis le prêtre célébrait l’eucharistie, avant de les faire communier.
En France enfin, à la fin du Moyen-Âge, il existait ce qu’on appelait un contrat «d’affrèrement», qui ne pouvait être signé qu’entre deux hommes. Ces «pacs médiévaux» devaient être conclus devant un notaire et des témoins. Ils étaient destinés aux hommes qui se promettaient de vivre ensemble et qui partageaient «le pain, le vin, et la bourse», en référence à la communauté de biens… Selon John Richard Boswell, on recense des unions homosexuelles chrétiennes jusqu’au 18ème siècle.
- Source TETU