Il y a un an, jour pour jour, Jamie Hubley, 15 ans, que l’on voit ici avec son père Allan Hubley, s’enlevait la vie. Dans sa lettre de suicide, l’adolescent d’Ottawa confiait qu’il était le seul élève ouvertement homosexuel de son école. Le harcèlement dont il était victime depuis le primaire l’a conduit à la dépression, au point où il a décidé d’en finir.
Cette histoire, qui a rapidement fait le tour des médias, a soulevé l’indignation populaire. Pourtant, bien d’autres drames similaires ont eu lieu sans que personne n’y prête attention. Au fil des ans, le chercheur Michel Dorais a reçu plusieurs confidences de parents dont l’enfant s’est suicidé. «Ces gens-là n’iront pas crier sur tous les toits qu’ils soupçonnent que leur jeune s’est donné la mort parce qu’il vivait mal avec son homosexualité. C’est souvent gardé secret, parce que la famille n’est pas très à l’aise avec ce constat», note-t-il.
Comme il n’est pas possible de pratiquer des «autopsies psychologiques», il n’existe pas de données précises sur le taux de suicides complétés chez les ados gais. Les plus récentes études indiquent toutefois que les jeunes homosexuels risquent de six à 14 fois plus de se suicider que les jeunes hétérosexuels. «Ce n’est pas l’homosexualité qui conduit au suicide, mais bien l’homophobie, insiste le président de Gai Écoute, Laurent McCutcheon.
Les garçons, plus à risque?
Michel Dorais ajoute que l’homophobie affecte plus les jeunes gais que les jeunes lesbiennes. «Les femmes sont devenues les égales des hommes en se masculinisant. La féminité est donc encore perçue comme étant inférieure à la masculinité», affirme-t-il. Le professeur souligne d’ailleurs que le mot «efféminé», souvent utilisé à propos des homosexuels, a une consonance péjorative. «C’est comme si la féminité était quelque chose de méprisable. À ma connaissance, ce terme n’a pas d’équivalent masculin», déplore le professeur.
La sociologue Line Chamberland reconnaît que les garçons sont plus touchés par l’intimidation homophobe et le mal qu’elle peut causer. «Mais quand on dit ça, on a tendance à oublier que les filles en sont également victimes», soulève-t-elle. L’histoire de Corryne Vincent rappelle que les jeunes lesbiennes peuvent aussi vivre une grande détresse.
L’adolescente, aujourd’hui âgée de 17 ans, a su dès la fin du primaire qu’elle préférait les filles. «À l’époque, je ne réalisais pas que j’étais différente. J’ai donc candidement avoué mes sentiments à celle dont j’étais amoureuse», raconte-t-elle.
Si la fille qui faisait battre le coeur de Corryne a plutôt bien réagi, il en a été tout autrement pour quelques garçons de l’école. «Ils s’amusaient à rire de moi et à me crier des insultes comme: «Deux trous, ça ne marche pas ensemble, espèce de lesbienne.»»
Lors de son entrée au secondaire, Corryne a tout fait pour cacher son orientation sexuelle afin d’éviter d’être marginalisée. Mais en troisième secondaire, malheureuse de ne pas pouvoir être elle-même, elle a tenté de se suicider. «J’ai avalé une vingtaine de comprimés de toutes sortes. Malheureusement, ou plutôt heureusement, le lendemain matin, j’étais toujours vivante. J’ai pris ça comme un message et j’ai décidé de m’assumer telle que je suis. Grâce au soutien de mes amis, j’y suis arrivée», dit-elle.
Aujourd’hui, Corryne a une amoureuse. Elle est consciente qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire pour vaincre l’homophobie, mais elle est la preuve qu’il y a de l’espoir.
- Source LAPRESSE.CA