NEWS
Les actualités
 d’ADHEOS

Sans procréation médicalement assistée, Guillaume, Marine et Bastien n’auraient pas vu le jour. Ils témoignent de leur histoire et de l’impact du débat actuel dans leur quotidien.
 
Ils incarnent plus de 3 % des naissances qui ont lieu chaque année dans notre pays. Un enfant sur trente est, comme Guillaume, Bastien ou Marine, venu au monde grâce à la procréation médicalement assistée (PMA). Des techniques qui, pour l’heure en France, sont exclusivement réservées aux couples hétérosexuels infertiles, comme les parents de Guillaume. Cette situation pourrait évoluer : le 27 septembre, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture l’article 1er du projet de loi bioéthique qui ouvre la PMA à toutes les femmes.
 
Mais pour l’heure, si les couples de lesbiennes et les femmes seules désirent un enfant, elles doivent se rendre à l’étranger. À ce jour, onze pays européens ont ouvert cet accès à toutes les femmes. Parmi eux, les Pays-Bas, le Danemark, l’Espagne, le Royaume-Uni ou la Belgique. C’est dans ce dernier pays que la maman célibataire de Marine a entrepris cette démarche, idem pour les deux mères de Bastien. Nos trois témoins ont d’ailleurs un autre point commun, en plus de leur mode de conception : celui de le savoir dès le plus jeune âge.
 
Guillaume, 22 ans : «Je suis un miracle scientifique»
 
C’est avec une jolie formule que Guillaume, né il y a vingt-deux ans par PMA, résume l’épopée de sa venue au monde : « Je suis un miracle scientifique ». C’est en effet grâce à une fécondation in vitro (FIV), l’une des techniques de la procréation médicalement assistée, que ses parents ont pu l’accueillir. Un couple hétérosexuel et infertile, les critères pour prétendre aujourd’hui à une PMA en France, avant la promulgation de la loi qui l’étendrait à toutes les femmes.
 
« J’ai connu tôt les conditions de ma naissance, témoigne Guillaume. Petit, lorsque je suis passé devant la chambre de mes parents, j’ai vu mon père faire une piqûre à ma mère ( NDLR : une stimulation ovarienne hormonale ). J’ai eu peur qu’elle soit malade alors ils m’ont rassuré et expliqué que c’était pour les aider à avoir un autre enfant. J’ai donc appris, à ce moment-là, qu’ils avaient eu aussi besoin d’un coup de pouce de la médecine pour moi. » Sa sœur est ainsi arrivée cinq ans après sa naissance, également à l’issue d’une PMA.
 
« Je vis très bien le fait d’être né grâce à cela. Lorsqu’il arrivait que j’en parle à des copains de classe, ils étaient surtout emballés par le côté prouesse scientifique », sourit le jeune homme. Un père, une mère, Guillaume reconnaît que la structure familiale dans laquelle il a grandi l’a sans doute protégé des préjugés. Sur ce point-là seulement.
 
« Ce débat sur la PMA pour toutes ne m’a pas renvoyé à l’histoire de ma naissance, mais à ma condition d’homosexuel. À l’inégalité des droits qui est prônée par certains. Un discours qui peut être destructeur pour des jeunes qui sont gays, lesbiennes, trans… »
 
Et les autres qui, comme lui, sont nés d’une PMA mais évoluant dans un modèle familial différent ? « Je me sens solidaire de ces enfants qui sont stigmatisés parce qu’ils grandissent avec une mère seule ou deux mamans. Derrière les critiques, c’est la liberté des femmes à disposer de leur corps qui pose problème. »
 
Bastien, 23 ans : «De l’amour, je n’en ai pas manqué»
 
« J’ai grandi dans un environnement bienveillant, dans une petite ville du centre de la France où je n’ai jamais été mis à l’écart, mais je n’ai pas d’œillères. Je sais que mon expérience n’est pas celle de tous les enfants qui ont deux mères. Moi, je suis toujours prêt à en discuter avec ceux qui se posent des questions, à condition de ne pas être dans l’insulte », prévient Bastien, 23 ans.
 
Né d’une PMA réalisée en Belgique, l’étudiant ironise sur les discussions qui s’étaient engagées, dans le cadre du projet de loi Bioéthique, sur l’éventualité d’inscrire ce mode de conception sur l’acte de naissance des enfants de couples de lesbiennes. « Dois-je préciser que je l’ai toujours su? Je ne vois pas comment il aurait pu en être autrement. J’imagine la conversation : au fait, je ne suis pas ton père biologique. OK, maman … »
 
Ce qu’il a appris plus tard, ce sont les à-côtés d’une PMA effectuée à l’étranger : l’investissement financier, les allers-retours en Belgique, les difficultés pour s’absenter du travail, son adoption par son autre mère, celle qui ne l’a pas porté donc, et qui n’a pu être réalisée qu’avec la loi autorisant le mariage des couples de même sexe, il y a six ans. « Ce sont lors des manifestations contre le mariage pour tous, en 2013, avec toutes ces pancartes un papa, une maman, que j’ai vu que certains avaient un souci avec mon modèle familial. Et je le constate d’autant plus depuis deux mois, avec le débat sur la PMA pour toutes. »
 
Il précise. « On ne pourrait pas être heureux sans père ? J’ai même lu que nous ne serions pas normaux. Qu’on arrête de parler à notre place ! C’est pour cette raison que je suis présent sur les réseaux sociaux. Lorsque je tombe sur ce genre de message, j’imagine un enfant, élevé par deux mères, le lire et les terribles répercussions que cela pourrait avoir. Je veux qu’il trouve aussi mon témoignage. Ce qu’on attend de la part de parents, c’est de l’amour et je n’en ai pas manqué. »
 
Se pose-t-il des questions sur le donneur de sperme ? Souhaite-t-il connaître son identité ? « Lorsque j’ai rencontré ma compagne, elle m’a posé pas mal de questions là-dessus. Je comprends ceux et celles qui en ressentent le besoin mais moi, je m’en fiche complètement. »
 
Marine, 19 ans : «Je vais bien, merci»
 
« Comment quelque chose que vous n’avez jamais eu pourrait vous manquer ? Je n’ai pas de père, mais je ne me sens pas amputée pour autant. Il n’est pas mort, il n’est pas absent ou défaillant, ce qui aurait pu créer un vide, mais ce n’est pas le cas. Je suis l’enfant d’un autre projet parental, peut-être moins classique, mais réfléchi et pas moins valable. » Marine, étudiante en droit, défend avec un bel aplomb les femmes célibataires qui ont choisi de faire un enfant seules. Comme ce fut le cas pour sa mère qui a entrepris une PMA en Belgique, en 1999.
 
« Certaines femmes se retrouvent dans cette situation sans le vouloir, je n’avais pas cet exemple sous les yeux », ajoute la jeune femme. Quand a-t-elle connu son mode de conception ? « Dès le plus jeune âge. Ma mère me l’a expliqué avec des mots que je pouvais comprendre. Que le prince charmant ne s’était pas arrêté chez nous pour fonder une famille, mais comme elle me voulait tellement dans sa vie, elle est allée chercher une graine pour que je puisse naître. J’ai été désirée à un point que je souhaite à tous les enfants. Je ne vois pas pourquoi maman, qui avait les moyens financiers de me prendre en charge, aurait dû faire une croix sur la maternité parce qu’elle n’avait pas rencontré la bonne personne. »
 
Quid du débat sur la PMA pour toutes ? « Elle existe déjà dans les faits. Arrêtons avec cette hypocrisie ! Je vais bien, merci. »
 
Marine ne tait pas toutefois les réactions toxiques de certains, y compris dans son entourage familial. « Le mari de ma tante a plusieurs fois traité ma mère d’égoïste. À l’école primaire, j’avais un peu l’angoisse du formulaire scolaire où l’on demande la profession du père et de la mère. Des élèves disaient aussi que j’étais la fille cachée du directeur de l’établissement… J’ai dû apprendre à me défendre, mais je ne reprocherai jamais à ma mère sa décision.