"Social" dans le Nord, "identitaire" en Paca: tout en jouant sur le même registre, Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, arrivées largement en tête au premier tour des élections régionales avec plus de 40% des voix, donnent l’impression d’interpréter chacune leur propre partition.
Toulon, dernier grand discours avant le premier tour pour Marion Maréchal-Le Pen: après avoir expédié une conférence de presse sur ses propositions économiques, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen retrouve, devant de nombreux militants frontistes de longue date, son thème de prédilection: "l’identité chrétienne" de la France.
"Qui n’a pas vibré au sacre de Reims et à la fête de la Fédération n’est pas vraiment français!", lance la jeune femme de 26 ans, louant les "16 siècles de chrétienté (qui) ont façonné" la France. Vivats et applaudissements nourris.
Des propos classiques à l’extrême droite, mais que l’on n’entend plus, 1.000 km plus au Nord, à Lille, où Marine Le Pen, 47 ans, laboure un tout autre terrain, déclinant ce que Christian-Marie Wallon-Leducq, professeur en sciences politiques à l’université catholique de Lille, décrit comme un "discours républicain" assorti de "laïcisme rigoureux".
Les régions convoitées par Marine Le Pen et sa nièce ont toutes deux "connu assez précocement un développement du vote FN dès le milieu des années 1980", relève-t-il. "Dans le Nord, touché par la désindustrialisation, le discours (…) de Marine Le Pen est celui qu’elle a construit sur la question sociale, c’est-à-dire en s’adressant à des populations modestes, oubliées", avec "un gros pourcentage d’ouvriers" votant pour elle, note-t-il.
En Paca, le FN reste "beaucoup plus tourné vers les catholiques traditionalistes", selon Christian-Marie Wallon-Leducq.
Catalogue commun
Pure stratégie électorale pour faire le plein de voix ou expression de deux sensibilités vraiment distinctes ? "Marine Le Pen n’est pas porteuse d’une idéologie très structurée, elle est plutôt comme son père dans la production d’une forme de synthèse", analyse le politologue Joël Gombin. Sa nièce est "au confluent de deux courants qui sont historiquement très opposés, le national-catholicisme et le courant des identitaires", ajoute-t-il.
Les deux candidates n’ont pu masquer leur discordance avant le premier tour lorsque Marion Maréchal-Le Pen, lors d’une réunion avec La Manif pour tous, a dit vouloir couper les subventions au planning familial qu’elle accuse de "banaliser" l’avortement.
"Pas dans les projets" du FN, a rétorqué Marine Le Pen, qui garde ses distances avec le mouvement anti-mariage gay, mais dénonce ce qu’elle appelle les IVG "de confort".
Cependant, ces différences ne masquent pas selon les politologues le "catalogue commun" exploité par les deux femmes, fondé sur l’hostilité envers l’immigration et l’islamisme, et la priorité donnée à la sécurité.
Marine Le Pen, qui poursuit sa stratégie de "dédiabolisation" dans la perspective de la présidentielle de 2017, n’a pas pour autant abandonné les saillies qui ont fait la marque du parti d’extrême droite. En clôture de sa campagne du premier tour, en cas d’échec dans la "guerre contre le terrorisme", elle a ainsi prédit une "prise de pouvoir du totalitarisme islamiste" en France, qui "se substituera à nos lois, nos bâtiments détruits, la musique prohibée, l’épuration religieuse avec son cortège d’horreurs".
Qu’il soit du Nord ou du Sud, "un électeur du FN est avant tout un électeur qui considère que l’immigration est l’enjeu prioritaire" et y est résolument hostile, résume Joël Gombin.
- SOURCE E LLICO