La découverte macabre d’une historienne irlandaise relance la polémique autour du sort réservé à des milliers de fille-mère et leurs enfants pendant des décennies dans ce pays catholique. Les 800 squelettes d’enfants retrouvés dans une cuve en béton à côté d’un ancien couvent suscitent de vives réactions de la presse anglo-saxonne.
Dans une tribune datée de mercredi, le Guardian rappelle le traitement réservé aux jeunes femmes dont le comportement était jugé immoral au début du XXe siècle en Irlande. « Les femmes étaient enfermées dans des couvents créés par l’Etat et gérés par l’Eglise appelé “Magdalene Asylum” dans lesquelles elles travaillaient pour réparer leurs péchés », explique la journaliste.
« Ces révélations sont choquantes et rappellent à l’Irlande une période sombre de son histoire », a réagi Charlie Flanagan, ministre de la justice du gouvernement qui réclame l’ouverture d’une enquête à laquelle l’Eglise se dit prête à participer. Michael Neary, l’archevêque de Tuam, a cependant déclaré que l’Eglise irlandaise ne savait rien de ce qui se passait dans ces couvents.
Un rapport des services de santé, datant de 1944, retrouvé par Catherine Corless, l’historienne à l’origine de la découverte, évoque un taux de mortalité infantile quatre à cinq fois plus élevé dans le couvent de Tuam, où ont été retrouvés les squelettes, que dans la population. Le document évoque aussi des enfants décharnés et malnutris.
CONTEXTE SOCIAL
« L’Irlande connaît les maltraitances faites aux femmes et aux enfants de la part d’une partie du clergé à cette époque, ce que nous ne savions pas c’est qu’ils jetaient des enfants morts dans des fosses communes », poursuit la journaliste du Guardian.
Pour Catherine Corless, interviewée par le Washington Post, les dérives de ces institutions religieuses est à relier au contexte social de l’époque. « Quand une fille tombait enceinte hors mariage, elle était totalement ostracisée, les familles avaient peur que cela se sache dans le voisinage, un enfant illégitime était alors la pire des choses qui puisse arriver, le pire crime qu’une femme puisse commettre, même si bien souvent c’était à la suite d’un viol », rapporte le quotidien américain.
Et les enfants de Tuam ne seraient pas les seuls à avoir disparu dans les couvents irlandais. The Irish News rappelle que diverses associations militent depuis plusieurs années pour qu’une enquête soit ouverte à ce sujet. Au total, 4 000 enfants auraient été enterrés à la hâte dans des fosses communes aux abords des dix couvents qui ont accueilli environ 35 000 femmes jusque dans les années 1960 en Irlande.
Le quotidien irlandais cite un membre de l’association Adoption Rights Now qui fait pression sur l’Etat irlandais afin qu’une enquête soit ouverte : « Le gouvernement est terrifié par ce scandale, ils ne veulent pas savoir ce qui s’est passé dans ces couvents ».
Le scandale de Tuam avait failli être révélé en 1975, lorsque deux garçons de la région avaient découvert des ossements par hasard. A l’époque, les restes humains avaient été recouverts et les habitants de la région pensaient qu’il s’agissait d’un charnier creusé au XIXe siècle lors des grandes famines.
Dans le Guardian, la journaliste conclut en interrogeant : « Les pratiques des sœurs du couvent de Tuam étaient-elles isolées ? Sinon, combien de morts dans chacun des couvents irlandais ? Quels étaient leurs noms ? Où sont les tombes ? »
- Source Le Monde