Les associations de lutte contre le VIH attendent beaucoup de ce nouvel outil préventif qui pourrait être commercialisé fin 2013.
Un dépistage à portée de tous et sans passer par un médecin. De nombreuses associations de lutte contre le VIH revendiquent depuis plusieurs années la mise sur le marché des autotests. Leur demande est en train d’aboutir après l’avis favorable rendu en mars par la Commission nationale du sida (CNS). Un mois plus tard, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait levé les derniers obstacles à la commercialisation, mais sous certaines conditions. «J’ai lancé la procédure permettant la mise à disposition des autotests en France», avait-elle confirmé en juin au congrès de l’association de lutte contre le sida Aides. L’autotest existe déjà aux Etats-Unis, le Royaume-Uni vient de lever son interdiction et la France devrait suivre d’ici quelques mois : à la fin de l’année ou début 2014. Ce nouveau test serait un instrument de plus dans la panoplie du dépistage. Car, en France, 30 000 à 40 000 personnes seraient séropositives sans le savoir. Ce nouvel outil préventif est une révolution. Il y a quelques années, même les associations de lutte contre le sida y étaient farouchement opposées. «Nous avons changé d’avis après qu’une enquête a montré que les gens qui ne se dépistaient jamais l’utilisaient à l’étranger», explique à Libération un membre d’Act Up. «Mais, ce n’est qu’un produit complémentaire aux outils de prévention existants», souligne-t-il.
La France est pourtant un des pays ou l’on se dépiste le plus. Mais ce sont toujours les mêmes qui se font tester, et les populations les plus à risque restent souvent à l’écart. Les centres de dépistage anonymes et gratuits (CDAG) créés en 1988 pour élargir le spectre du dépistage n’existent que dans les grandes villes, à des horaires restreints. Après avoir attendu parfois pendant des heures, les résultats ne sont disponibles qu’une semaine après. L’autre solution est la prescription d’une ordonnance par un médecin en vue d’analyses dans un laboratoire. Mais la démarche n’est pas toujours évidente.
La commercialisation attendue de l’autotest aurait donc deux missions principales : révéler la séropositivité de gens qui n’ont pas l’habitude d’aller se faire dépister, et banaliser autant que possible cette pratique.
Où en est-on de la commercialisation ?
«On espère une annonce officielle le 1er décembre», dit Jean-Marie Legall, responsable des actions de recherches à Aides. Contacté par Libération, le cabinet de Touraine se montre plutôt optimiste. «La ministre a émis un avis positif. A présent, il faut que des fabricants acceptent de demander un marquage CE pour pouvoir le mettre sur le marché français.» Selon nos informations, confirmées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), la firme OraSure Technologies a effectué une demande de marquage CE pour vendre l’autotest en France. «Nous n’avons pas d’opposition de principe. Notre travail sera surtout de vérifier a posteriori les conditions de mise sur le marché», précise-t-on à l’ANSM. Contactée pour connaître l’avancée de ses démarches, OraSure Technologies n’a pas donné suite à nos appels.
Les autotests sont-ils fiables ?
Le principe est simple : à partir d’un échantillon de salive, on peut dépister le virus en vingt à trente minutes. Les essais cliniques conduits par le fabricant américain ont établi que l’autotest permettait de détecter avec succès une infection par le VIH dans 92% des cas. Une fiabilité proche de ceux utilisés par les dispositifs mobiles de l’association Aides (lire page 9). Un résultat positif doit cependant être confirmé par un nouveau test, cette fois-ci dans un laboratoire. Et le résultat négatif n’est fiable que pour la période qui précède les trois derniers mois.
Combien ça coûte ?
Aux Etats-Unis, l’autotest est vendu environ 40 dollars. Et le prix en France serait à peu près identique, soit près de 35 euros. «L’entreprise est libre de fixer son prix. Mais elle pourrait le baisser pour les associations», espère-t-on au ministère de la Santé. Le milieu associatif, lui, juge ce prix excessif. «C’est beaucoup trop cher. Si l’on veut que la mesure soit efficace, il faut qu’il soit inférieur à 20 euros. Sinon, les pouvoirs publics doivent proposer un circuit de distribution subventionné, comparable à celui du préservatif dans les associations», préconise-t-on à Aides.
Quelles précautions prendre ?
L’autotest sera accompagné d’une brochure détaillée. «Il faudrait mettre en place une hotline, voire un service accessible par webcam pour aider les personnes dont le résultat serait positif», estime Aides. Aux Etats-Unis, une ligne téléphonique est ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365 jours par an. Le but étant de répondre aux questions générales sur le VIH, au mode d’emploi du test, et d’orienter si besoin vers une prise en charge.
Mais à l’heure d’Internet, les protocoles de mise sur le marché de test médicaux ou de médicaments paraissent parfois un peu vains. Certaines personnes, en France ou dans d’autres pays ou la commercialisation des autotests n’est pas encore autorisée, s’affranchissent de l’interdiction en faisant des commandes sur le Web.
- Source LIBERATION