La Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction taïwanaise, a commencé vendredi l’examen de recours cruciaux qui, s’ils sont acceptés, pourraient faire de l’île le premier territoire asiatique à autoriser le mariage gay.
L’île nationaliste séparée de la Chine depuis 1949 figure déjà parmi les sociétés les plus progressistes de la région concernant les droits des homosexuels.
Des dizaines de milliers de personnes participent chaque année à la gay pride. Un projet de loi sur le mariage entre personnes de même sexe a même été voté en première lecture en décembre. Il doit encore être examiné en deuxième lecture.
Mais certains juristes observent que le processus législatif pourrait être pris de vitesse par la justice et la Cour constitutionnelle, qui rendra sa décision sous deux mois.
Les 14 grands juges de la haute juridiction ont à examiner deux recours contre un article du code civil déposés par l’activiste de la cause homosexuelle Chi Chia-wei et l’exécutif de la municipalité de Taipei, destinataire d’un nombre grandissant de demandes de validation de mariages entre personnes de même sexe.
Au coeur des débats, une disposition du code selon laquelle le mariage ne peut unir qu’un homme et une femme. Les avocats des requérants défendent l’idée que cet article est contraire à plusieurs principes de la constitution garantissant l’égalité entre tous.
"La société reconnaît que les homosexuels ont les mêmes besoins. Ce sont des personnes comme les autres qui souhaitent bâtir des relations normales, ce que la loi devrait leur permettre", a déclaré à la Cour Liao Yuan-hao, le représentant de la municipalité de Taipei.
Décision contraignante
Autoriser les unions de personnes du même sexe "ne changera rien à l’essence du mariage, mais contribuera à renforcer sa valeur", a-t-il ajouté.
Le ministre de la Justice Chiu Tai-san conteste de son côté que le code civil viole la constitution, en avançant qu’il n’interdit pas spécifiquement les unions entre personnes du même sexe. Il a également expliqué qu’il fallait se donner le temps de forger un consensus plus large sur le mariage gay.
"Changer (la loi) de façon abrupte aura un impact sur l’ordre social", a-t-il dit. De nombreux défenseurs du mariage gay agitant des drapeaux arc-en-ciel étaient massés vendredi matin aux abords de la Cour constitutionnelle de Taipei, protégée par un important dispositif policier.
"Les gays méritent légalement les mêmes droits et les mêmes protections", a déclaré à l’AFP Lan Shi-kai, un commerçant de 24 ans.
La décision de la Cour constitutionnelle est "juridiquement contraignante", a rappelé à l’AFP Hsieh Kuo-lien, professeur de droit à l’Université nationale de Kaohsiung. "Si sa décision est favorable aux militants de la cause homosexuelle, elle reviendra à légaliser le mariage entre personnes de même sexe."
Depuis l’arrivée au pouvoir en mai de la présidente Tsai Ing-wen, favorable aux droits des homosexuels, les partisans du mariage gay se sentent le vent en poupe. Mais l’opposition au mariage gay se renforce également, mettant en lumière les divisions d’une société aux valeurs familiales traditionnelles profondément enracinées.
Toutes les tentatives pour faire avancer les droits des homosexuels s’étaient jusqu’alors heurtées à la résistance farouche du Kuomintang (KMT), qui a présidé aux destinées de l’île pendant des décennies avant de perdre les élections l’année dernière face au PDP de Mme Tsai.
Une enquête du cabinet Taiwanese Public Opinion Foundation l’an dernier montrait que l’opinion publique se divisait en parts égales sur le sujet.
M. Chi a déposé son recours après avoir essuyé plusieurs refus des autorités à qui il demandait de reconnaître son mariage avec son compagnon. "Je suis prudemment optimiste car la tendance mondiale est à la reconnaissance du mariage homosexuel et il est improbable que les grands juges s’y opposent", a-t-il confié à l’AFP.
- SOURCE E LLICO