Adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en octobre, la proposition de loi pour interdire les « thérapies de conversion » arrive au Sénat ce mardi
Une proposition de loi LREM pour interdire clairement les pseudo « thérapies de conversion », pratiques visant à imposer l’hétérosexualité aux personnes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT), arrive mardi au Sénat où la droite entend ouvrir le débat sur l’identité de genre.
« C’est un texte utile, sur un phénomène très souterrain, mais qui réveille de vieux démons », relève la rapporteure centriste au Sénat, Dominique Vérien.
Adopté en première lecture à l’unanimité par l’Assemblée nationale en octobre, et soutenu par le gouvernement, le texte de la députée Laurence Vanceunebrock prévoit un délit spécifique contre les soi-disant « thérapeutes » ou religieux qui prétendent « guérir » les homosexuels.
Selon la proposition de loi, « les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».
La sanction est portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes, notamment lorsque la victime est mineure, dépendante ou que l’auteur est un ascendant.
Les sénateurs ont adopté le texte en commission avec une poignée d’amendements de la rapporteure qui ne bouleversent pas l’équilibre général.
Il s’agit notamment de prévoir que ne soient pas incriminées les personnes tenant des propos répétés visant à inciter à la prudence avant d’engager un parcours médical de changement de sexe.
Débat sur l’identité de genre
En commission, les sénateurs ont rejeté les amendements portés par Jacqueline Eustache-Brinio (LR) visant à supprimer du texte l’identité de genre, considérée comme une notion mal définie.
Mais le débat n’est pas clos : la sénatrice du Val d’Oise défendra de nouveau dans l’hémicycle ces amendements cosignés par plus d’une vingtaine de ses collègues du groupe Les Républicains, dont leur président Bruno Retailleau.
« La droite du Sénat s’apprête-t-elle à replonger dans sa vision archaïque et rétrograde de la société en excluant l’identité de genre du champ de l’interdiction des thérapies de conversion ? », s’est interrogée sur Twitter la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie, qui anticipe « le retour » du débat sur le mariage pour tous.
« Nous ne sommes pas des gens archaïques et rétrogrades », a réagi Jacqueline Eustache-Brinio. « Bien évidemment que nous sommes tous des défenseurs de la liberté et de la tolérance, sauf que là on mélange tout », s’explique-t-elle. « L’identité de genre, je ne sais pas ce que c’est, il n’y a pas de définition, on subit les influences de ce qui nous vient des Etats-Unis ».
La rapporteure centriste fait elle valoir que la notion est établie et déjà présente dans le code pénal. « Ne pas nommer les transgenres reviendrait à les laisser victimes d’une pratique barbare », souligne-t-elle.
Un autre amendement de Jacqueline Eustache-Brinio, qui n’a pas été adopté non plus en commission, risque également de faire débat : il propose d’interdire les traitements bloqueurs de puberté, les hormonothérapies et les opérations chirurgicales avant 18 ans.
Pour la rapporteure, c’est là « un sujet médical », qui demande une réflexion approfondie et ne peut être tranché « au détour d’un texte qui n’a rien à voir ».
Augmentation des signalements
Il n’existe pas en France d’enquête nationale permettant d’évaluer l’ampleur du phénomène des « thérapies de conversion », qui peuvent prendre une grande variété de formes.
Lors d’une mission parlementaire de 2019, Laurence Vanceunebrock et l’Insoumis Bastien Lachaud ont évoqué une « centaine de cas récents », s’alarmant de « l’augmentation des signalements ».
Ils décrivent des traitements par « hypnose », « hormones » voire « électrochocs », des dérives « religieuses » entre « appels à l’abstinence » et séances « d’exorcisme », ou le recours aux « mariages forcés » hétérosexuels.
D’autres pays les ont interdites explicitement : en Europe, Malte et l’Allemagne, et plusieurs provinces en Espagne. En 2019, le Parlement européen a adopté une résolution appelant les États membres de l’Union européenne à les interdire.
Au Canada, un projet de loi interdisant les « thérapies de conversion » a été adopté le 1er décembre à l’unanimité aux Communes, la chambre basse du Parlement. Il doit désormais être approuvé par le Sénat canadien.
- SOURCESUD OUEST