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 d’ADHEOS

Les transgenres seront-ils moins stigmatisés grâce à l’OMS qui a sorti la transidentité de la classification des troubles mentaux ?
 
La décision est symbolique et loin d’être parfaite mais elle est d’importance : l’Organisation Mondiale de la Santé vient officiellement de retirer le terme « transgenre » de la classification répertoriant les troubles mentaux. Samedi dernier lors de son assemblée annuelle organisée à Genève, les États membres ont modifié leur classification internationale des maladies de leur célèbre ICD – la première mise à jour depuis 29 ans – pour placer désormais la problématique de la transidentité dans le chapitre consacré à la santé sexuelle.
 
Lale Say, docteure responsable du département Santé reproductive à l’OMS, a justifié ce changement au nom de la stigmatisation dont pâtissent les personnes transgenres : « Il a été placé dans un chapitre différent afin de réduire la stigmatisation, tout en garantissant l’accès aux interventions sanitaires nécessaires. »
 
La dictature du plus grand nombre
 
« À l’annonce de cette nouvelle, j’ai ressenti de la joie et en même temps une certaine colère car il y a bien longtemps que la logique humaine se fourvoie en considérant tout ce qui ne rentre pas dans le cadre « normal sociétal » comme des dysfonctionnements voire des maladies mentales », explique Clarisse Locoge, présidente de l’association Hemera qui accompagne les personnes transgenres dans leur parcours de vie. « C’est la dictature du plus grand nombre qui se range dans des cases prédéfinies par une société donnée ou encore des dogmes. Vive le libre arbitre et l’autodétermination ! Il est tant que la tolérance de la différence fasse son entrée dans ce monde en métamorphose, que nous soyons capables de vivre avec tout le monde quel que soit le « choix » de vie de chacun. »
 
Afin d’éviter que certains n’imaginent que la décision est le résultat d’un « lobby trans », Lale Say de l’OMS a précisé que « la décision ne repose pas uniquement sur le plaidoyer ou les commentaires des communautés concernées. Toutes les preuves disponibles ont été examinées et discutées par un groupe consultatif externe. De même la base scientifique de cette affection et les commentaires des communautés professionnelles et concernées, ont été à la base de cette décision. »
 
Ce changement a été salué par Graeme Reid, responsable des droits des personnes transgenres chez Human Rights Watch qui croit en son « effet libérateur sur les personnes transgenres du monde entier » et sur les réformes nationales que la décision devrait entraîner dans certains pays. « Les gouvernements devraient réformer rapidement les systèmes médicaux nationaux et les lois qui exigent ce diagnostic désormais dépassé ». Dans certains pays, comme le Japon, les personnes qui veulent apporter un changement juridiquement reconnu à leur sexe ont besoin d’un diagnostic de santé mentale.
 
Les trans en Belgique
 
« En mai 2017, la Belgique a voté une loi « transgenre » d’avant-garde, mettant en exergue la liberté individuelle d’autodétermination. Depuis cette loi entrée en vigueur au 1er janvier 2018, il n’y a plus de psychiatrisation dans le cursus de changement de « sexe » au niveau de l’état civil, hormis pour les mineurs (entre 16 et 18 ans) qui devront se munir d’une attestation d’un pédopsychiatre précisant leur capacité de discernement relatif à la décision prise », explique la présidente d’Hemera.« La loi précise que la demande de changement de « sexe » se fait en 2 étapes sur base de déclarations remises par l’intéressé(e) à l’Officier de l’État Civil : la première ouvre le délai de 3 mois nécessaire au parquet pour faire ses devoirs d’enquête afin d’éviter qu’une personne se dérobe à ses responsabilités judiciaires, lorsque ce délai est terminé. Une seconde déclaration est remise et « l’affaire est conclue ». Mais cette décision de l’OMS aura en Belgique une conséquence subjective : elle secouera les mentalités de celles et ceux qui s’intéressent et s’intéresseront à la question. Pour les personnes concernées, il s’agit avant tout d’un soulagement supplémentaire de reconnaissance intrinsèque à leur nature humaine. »
 
Les pays qui psychiatrisent entre la transidentité auront jusqu’en janvier 2022 pour mettre en place les changements.
 
Mais bien sûr, ce changement n’est qu’une étape. De nombreuses associations de défense des personnes transgenres ont d’ailleurs critiqué l’OMS et notamment sa définition de la transidentité comme un problème d’incongruence marquée et persistante entre le genre expérimenté d’une personne et le sexe attribué.
 
On ne choisit pas la transidentité
 
« Définir la transidentité n’est pas simple du tout », explique Clarisse Locoge. « Mais faut-il vraiment (ou est-il utile de) donner une définition scientifique à ce qu’il y a de plus humain, c’est-à-dire être soi ? La transidentité, on ne la choisit pas, on la subit ! On ne choisit pas son genre, on naît avec ! Le corps que la nature nous confère à la naissance n’est pas en adéquation avec la conscience genrale de la personne. On dit qu’elle n’est pas en « santé » genrale. »
 
La décision de l’OMS supprimera-t-elle vraiment la stigmatisation dont souffrent les trans ? L’avenir le dira mais cette décision est une étape. « Les plus gros soucis rencontrés par les personnes transgenres sont ceux de l’insertion socioprofessionnelle : toute personne trans désire logiquement être reconnue dans son genre inné. La stigmatisation conduit au rejet social et professionnel. Mais heureusement pas toujours. Il faut bien reconnaître que si la personne trans respecte les codes genraux sociétaux, l’insertion en sera plus simple. C’est moche mais c’est ainsi », explique la présidente d’Hemera.
 
L’importance de l’éducation
 
Et Clarisse Locoge de rappeler que le meilleur moyen de lutter contre cette désignation est l’éducation : « le rôle de la socialisation est plus qu’important: elle se fait au niveau des familles, des amis, de l’école… Connaître, apprendre, analyser avec logique : tout ceci permet une tolérance de ce qui semble différent ».