Le service américain de réservation de voiture avec chauffeur peine à contrôler les dégâts après des révélations sur la culture sexiste et homophobe qui règnerait au sein de l’entreprise.
Le scandale de trop pour Uber ? Le service américain de réservation de voiture avec chauffeur peine à contrôler les dégâts après des révélations sur la culture sexiste, violente et débauchée qui règnerait au sein de l’entreprise.
Ce qui est en jeu, ce n’est plus seulement l’image de la star de l’économie partagée, déjà bien écornée par diverses polémiques, mais aussi son activité: l’affaire alimente en effet les appels à privilégier ses concurrents, au moment justement où ceux-ci redoublent d’efforts pour le détrôner.
Tout est parti d’un blog où l’ingénieure Susan Fowler dénonçait le 19 février les luttes de pouvoir et le sexisme généralisé constatés au cours de sa "très, très étrange année chez Uber", qu’elle a quitté pour une autre start-up fin 2016.
Elle y raconte comment l’entreprise a fermé les yeux sur le harcèlement sexuel dont elle était victime de la part d’un supérieur, rendu intouchable par sa "performance élevée", tandis qu’elle-même était menacée d’une mauvaise évaluation si elle ne changeait pas de service.
Susan Fowler dit qu’elle n’était pas un cas isolé, qu’on l’a découragée de signaler d’autres comportements sexistes, qu’on a bloqué sa promotion.
Uber a tenté d’endiguer l’incendie en annonçant une "enquête urgente". Et il l’a confiée à un pompier de luxe, Eric Holder, ministre de la Justice de Barack Obama entre 2009 et 2015 et champion de la lutte contre les discriminations.
Airbnb l’avait déjà appelé à l’aide à l’été 2016 pour rétablir sa propre réputation en la matière.
Un problème systémique
Le New York Times a toutefois remis de l’huile sur le feu quelques jours plus tard avec une enquête sur la "culture professionnelle souvent débridée" chez Uber. L’article évoque des responsables qui lancent des injures homophobes ou menacent de frapper des subalternes sous-performants avec une batte de baseball, un séminaire à Las Vegas où des salariés sniffent de la cocaïne dans les toilettes et où un manager tripote les seins de ses collègues féminines (il a été viré moins d’une journée plus tard, précise quand même le journal).
A ce stade, "ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent pour contrôler les dégâts, ça ne va pas changer qui ils sont", indique à l’AFP Bruce Turkell, expert en gestion de marque. "Ce n’est pas juste un conducteur qui a fait quelque chose dans une voiture, c’est un problème systémique (…) dans la manière dont l’entreprise fonctionne".
Pour Robert Enderle, un spécialiste du secteur technologique, l’affaire reflète le manque d’expérience de la direction d’Uber. Le patron-fondateur Travis Kalanick "est relativement jeune, a abandonné ses études, et n’a pas (…) les compétences pour gérer ces choses-là. En conséquence tout se transforme en crise".
Travis Kalanick avait déjà dû démissionner précipitamment début février d’un forum de chefs d’entreprise chargé de conseiller Donald Trump. Des clients commençaient à se détourner d’Uber pour sanctionner ce qu’ils considéraient comme une marque de soutien au décret anti-immigration présidentiel.
Mot d’ordre #DeleteUber
Avant cela, il y avait eu les polémiques avec les taxis traditionnels, les critiques du manque de protection sociale des chauffeurs, ou la découverte de criminels parmi ces derniers… Uber s’est encore trouvé un ennemi cette semaine en Alphabet, la puissante maison mère de Google, qui l’accuse d’avoir volé ses technologies pour les voitures sans chauffeur.
Tout ce que voient les consommateurs, "c’est la boule de neige de problèmes qui roule le long de la colline et devient de plus en plus grosse", explique Bruce Turkell. Leur impression, c’est qu’"Uber ne se soucie de personne, ne se soucie pas des immigrants, ne se soucie pas des femmes".
Le mot d’ordre #DeleteUber, lancé au début du mois sur Twitter et ravivé par le témoignage de Susan Fowler, est désormais entré dans les esprits, prévient-il. Or, "si je supprime Uber (de mon smartphone), la prochaine fois que j’aurai besoin d’une voiture, j’utiliserai tout simplement une autre application" comme Lyft, dont le service est quasi identique mais semble davantage partager les valeurs d’un "consommateur socialement engagé".
Lyft est justement en pleine expansion avec le lancement de son service cette semaine dans 54 nouvelles villes américaines, après déjà 40 le mois dernier, et il a déjà "capitalisé" sur la levée de boucliers anti-Uber, note Rob Enderle. Il n’exclut pas non plus un coup de pouce pour Waze, le service de covoiturage que Google se prépare à faire monter en puissance.
- SOURCE E LLICO