Sur son blog «A Gay Girl in Damascus», Amina luttait avec détermination contre le régime de Bachar Al-Assad, contre l’homophobie et racontait sa vie de lesbienne en Syrie. Elle vient d’être arrêtée à Damas.
«A Gay Girl in Damascus» c’est le nom du blog d’Amina Arraf, 35 ans. Elle y racontait sa vie de lesbienne en Syrie et militait contre le régime en place et pour la démocratie. Lundi, elle a été enlevée à Damas par trois hommes armées, alors qu’elle se rendait à un rendez-vous.
Sur son blog, celui qui se présente comme son cousin a aussitôt annoncé son enlèvement. Il explique: «Ces hommes pourraient être des membres d’un des services de sécurité ou de la milice du parti Baas. Nous ne savons pas pour l’instant où se trouve Amina et si elle est en prison ou retenue prisonnière ailleurs dans Damas.»
«S’afficher en tant que lesbienne»
Cette professeur d’anglais qui a passé une grande partie de sa vie aux Etats-Unis (sa copine y est encore) avait décidé l’an dernier de revenir en Syrie «avec plein de projets dans la tête». En ouvrant son blog, elle veut essayer de «s’afficher en tant que lesbienne dans un pays arabe répressif» pour encourager les autres «à se libérer de leurs peurs». Et la peur est légitime: l’homosexualité est illégale en Syrie.
Depuis le début du soulèvement anti-Bachar Al-Assad, elle raconte les actes de répression dans les manifestations auxquelles elle participe (plus de 1000 morts depuis le 15 mars), les chars dans les rues et les cris qu’elle entend la nuit. Elle explique qu’elle veut «vivre d’amour», en paix, et demande clairement au président Assad de quitter le pouvoir.
Une première tentative d’arrestation
Une franchise qui lui vaut d’être recherchée par les forces de sécurité. Alors que toute la famille a fui le pays à part son père et elle, fin avril, deux hommes sonnent chez eux en pleine nuit. Ils viennent arrêter Amina pour «conspiration contre l’Etat». Son père parvient à les en dissuader (lire Mon père, ce héros), ce qui ne les empêche pas de cracher leur haine des homosexuels, ni de menacer de la violer pour la «remettre dans le droit chemin».
Une semaine plus tard, alors qu’Amina s’est réfugiée chez des amis, son père l’avertit que les autorités sont revenues. Elle prend alors soin de déménager sans arrêt. Elle reçoit même un jour le mail de quelqu’un qui se fait passer pour sa copine pour lui tendre un piège. Malgré la menace, elle se connecte d’où elle peut et refuse d’abandonner: «Impossible de reculer. Si on s’arrête de protester, ils nous retrouveront, un par un, et nous tueront tous.» (14 mai)
Assumer son homosexualité
Amina évoque aussi sur son blog tout le temps qu’il lui a fallu pour assumer son homosexualité. Plus jeune, elle a essayé de «guérir» en se jetant dans la religion et en épousant un homme… sans succès. Elle explique même qu’à 18 ans, elle a décidé de ne jamais entrer à l’université pour ne pas être tentée de «fauter» dans les dortoirs avec d’autres filles et ainsi éviter l’Enfer…
Depuis, elle avait choisi d’en finir avec la peur. Dans une interview accordée à CNN fin mai, elle se montrait optimiste en affirmant qu’un changement politique peut faire progresser les droits des homos. Elle déclare aussi que les mentalités par rapport aux femmes, aux homos et aux minorités sont en train de changer et qu’elle veut faire partie de ce changement. Pour elle, «le régime ne peut plus survivre maintenant que le peuple n’a plus peur.»
Amalgame entre islam et homophobie
Cette blogueuse qui n’hésite pas à publier des poèmes d’amour lesbiens s’indigne de notre vision occidentale et de l’amalgame systématique entre religion musulmane et homophobie. Elle rejette aussi l’idée véhiculée par les médias selon laquelle les pays arabes «ne sont pas prêts pour la démocratie». Elle veut gagner deux combats à la fois: contre la dictature et contre l’homophobie. Alors que d’autres Syriens sont plus inquiets et pensent qu’il faudra des années avant que les choses ne changent, Amina n’en démord pas: «Une autre Syrie est possible et on peut déjà l’apercevoir.»
Sur son blog, son cousin note: «nous espérons qu’elle est simplement emprisonnée et que rien de pire ne lui est arrivée». Une page Facebook «Free Amina Abdalla» a été créée pour obtenir sa libération, ainsi qu’une pétition.