La Cour suprême des Etats-Unis est apparue profondément divisée mardi sur la constitutionnalité du mariage homosexuel à l’échelle du pays, plusieurs juges s’inquiétant d’une remise en cause de l’institution du mariage en place "depuis des millénaires".
Deux ans après le premier round, la plus haute juridiction des Etats-Unis a arbitré le second lors d’une audience d’une durée exceptionnelle de deux heures et demie, immédiatement troublée par les hurlements d’un spectateur clamant "l’homosexualité est une abomination pour Dieu".
Dehors, au pied des marches du temple de la Justice, des centaines d’homosexuels venus proclamer que "le mariage est un droit constitutionnel", arboraient des drapeaux arc-en-ciel, face aux prières des manifestants défenseurs du mariage traditionnel. Légal dans 37 Etats sur 50 (dont certains en appel) ainsi que dans la capitale fédérale Washington, le mariage homosexuel n’est pas reconnu à l’échelle du pays.
C’est ce que réclament des gays et lesbiennes de quatre Etats interdisant le mariage homosexuel, le Tennessee (sud), le Kentucky (centre-est), le Michigan et l’Ohio (nord). Soutenus par l’administration Obama, les 16 plaignants veulent pouvoir se marier légalement ou voir leur mariage reconnu dans l’Etat où ils vivent.
Ce qu’ils cherchent à faire ici, "c’est changer l’institution" du mariage, s’est insurgé le président de la Cour suprême, John Roberts. "Cette définition existe depuis des millénaires, c’est difficile pour la Cour de changer les choses", a ajouté le juge conservateur Anthony Kennedy.
Clivages idéologiques
"Connaissez-vous une seule société qui ait légalisé le mariage homosexuel, avant les Pays-Bas en 2001", a demandé de son côté l’ultraconservateur Antonin Scalia, qui a plaidé pour "laisser le peuple décider s’il le souhaite" par la voie démocratique. La Cour suprême a ainsi semblé suivre sa traditionnelle ligne de clivages idéologiques, les quatre juges progressistes apparaissant favorables à reconnaître "un changement dans l’institution du mariage", selon la juge Ruth Ginsburg.
"Dans un monde où les gays et les lesbiennes vivent ouvertement comme nos voisins, il est simplement intenable qu’ils voient déniés leur droits à l’égale protection devant la loi qu’ils méritent, ou qu’ils doivent attendre", a plaidé Donald Verrilli, l’avocat du gouvernement, en soutien aux plaignants.
Le juge Anthony Kennedy, traditionnel défenseur des droits homosexuels que les plaignants espèrent voir rejoindre les rangs des progressistes, n’a cependant pas affiché clairement sa position. Après avoir montré sa préoccupation pour l’institution du mariage, il a souligné que les couples de même sexe, même s’ils ne peuvent pas procréer, "ont une dignité" qu’ils veulent satisfaire, et "il n’y a pas d’objectif plus noble". Les quatre Etats incriminés, soutenus par nombre d’organisations religieuses, définissent le mariage comme l’union entre un homme et une femme, refusent de marier des hommes entre eux ou des femmes entre elles, et ne reconnaissent pas le mariage homosexuel lorsqu’il a été légalement célébré ailleurs.
Fin juin 2013, la Cour suprême a abrogé une partie d’une loi fédérale qui définissait le mariage comme l’union entre un homme et une femme, ouvrant de facto les droits fédéraux à la retraite, à la succession ou aux abattements fiscaux à tous les couples légalement mariés, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Mais le mariage reste du ressort des Etats.
Or la haute Cour protège traditionnellement les principes de fédéralisme. Pour savoir si elle légalise le mariage gay sur les plus de 9 millions de km2 du territoire américain, la haute Cour doit dire d’abord si le 14e Amendement de la Constitution exige d’un Etat qu’il unisse par les liens du mariage les couples de même sexe.
Dans un deuxième temps, elle doit déterminer si le même Amendement requiert qu’un Etat reconnaisse un mariage homosexuel légalement célébré dans un autre Etat. Les neuf sages ont reconnu qu’ils ne répondraient à cette question que s’ils reconnaissaient le droit constitutionnel des couples de même sexe à se marier.
S’appuyant sur le principe de "rationnalité", plusieurs juges n’ont pas semblé convaincus de l’intérêt légitime d’un Etat à interdire le mariage homosexuel. S’adressant à l’avocat du Michigan, la juge progressiste Elena Kagan a estimé qu’il faisait une "distinction sur la base de l’orientation sexuelle".
Les quatre Etats visés arguent de leur droit à protéger la définition traditionnelle du mariage, pour "respecter la complémentarité biologique des deux sexes" dans l’éducation des enfants et dans la société. Réponse fin juin.
- SOURCE E LLICO